La guerre de 1914-1918 a été une véritable boucherie pour les fantassins qui se trouvaient dans les tranchées. Les corps étaient déchiquetés à un point tel qu’il n’était pas possible de les reconstituer pour les ensevelir. Cette impossibilité de créer des cimetières avec des tombes individuelles ou de rendre les corps aux familles a donc amené le gouvernement à décider l’érection dans chaque commune d’un monument qui pourrait servir de stèle commune à tous les morts de cette guerre.

Début 1900, sur la place de St-Séglin était érigé un beau calvaire qui fut abattu par une tempête durant la guerre de 1914. Le Recteur de cette époque, Monsieur l’abbé Harel, avait alors formé en accord avec la population, le projet de relever ce calvaire à la fin des hostilités, mais en granit, afin qu’il eût désormais plus de durée. La croix de granit fut donc commandée. Mais sur ces entrefaites, les mairies reçurent du Ministère de l’Intérieur des instructions leur prescrivant de n’ériger aucun monument commémoratif sans en avoir demandé l’autorisation. Se conformant à ces instructions, la municipalité de Saint-Séglin demanda donc l’autorisation concernant le monument projeté. Cette demande fut rejetée en application d’une loi de 1913 qui interdisait d’élever sur la voie publique des monuments portant un emblème religieux quand ces monuments ne sont pas funéraires. La Croix qui était terminée fut vendue à la municipalité de Sainte-Marie de Redon.

Naquit alors spontanément l’idée d’une statue de Jeanne d’Arc qui rallia tous les suffrages. Tandis que le Saint Père l’avait canonisée le 16 mai 1920, le Gouvernement Français de son côté, la déclarait « héroïne nationale » en 1922. Elle devenait ainsi l’emblème officiel et incontesté de l’union sacrée. Cette statue est un modèle plutôt singulier. En effet ,elle est une dès peux nombreuses statues de Jeanne d’Arc représentée coiffée de son heaume, modèle singulier mais pas unique puisque j’ai pu recenser quelques unes de ses sœurs jumelles dans plusieurs lieux. Essentiellement dans la partie nord de la France comme à Romagné sur notre département, ou encore à Mont notre Dame dans le 02, Guyans Vennes dans le 25, à Semilly dans le 52, Gironville-sous-les-Côtes dans le 55, à Nuillé sur Vicoin dans le 53, Bruley dans le 54, Gomelange dans le 57 depuis peu polychrome comme celle de Gironville, La Bassée dans le 59, Odratzheim dans le 67, Chaux dans le 90, Liste non exhaustive…

 

Cette dernière a été Coulée en fonte de fer bronzée d’après une sculpture d’ Ernest Toussaint sculpteur a Donjeux dans la Haute Marne, employer par l’union artistique de Vaucouleurs ainsi que de la fabrication d’art chrétien « La Sainterie », institut catholique de Vaucouleurs dans la Meuse. Mais le doute pourrait s’installer en relevant les inscriptions sur la plaque latérale apposée sur sont socle. En effet ont peux y lire « Jeusset-Evellin, Rennes ». Famille d’orfèvres, bronziers et chasubliers-brodeurs, spécialisée en art liturgique, en paramentique* et en création et restauration d’orfèvrerie. Mais ils sont aussi marchand et propose divers pièces qui ne sont pas de leurs création et c’est sans doute par ce biais qu’ils vont vendre La statue à la mère du colonel Thoux qui l’offrira à la commune en reconnaissance du retour de son fils de la guerre de 14/18. C’est le Père Charles Umbricht, « l’as » des aumôniers militaire qui bénis la statue de « Jeanne d’Arc »:  Voici un extrait du récit de la journée du 10 septembre 1922, la bénédiction du monument a travers le bulletin paroissial du canton de Maure de Bretagne d’octobre 1922:

 

C’est le dimanche 10 septembre qu’a eu lieu à Saint-Séglin l’inauguration du Monument  aux Morts pour la Patrie. La fête fut exclusivement religieuse ; rien ne fut changé dans l’ordre des offices du dimanche. La grand’ messe fut chantée par le R.P.Umbricht, commandeur de la Légion d’honneur, titulaire de douze citations[…] Nous devions sa présence à M. Thoux qui l’avait intimement connu pendant la guerre. Les assistants n’étaient pas peu émus à la vue de ce prêtre amputé d’un bras célébrant le Saint Sacrifice de la Messe. […]

Jeanne d’Arc dont la magnifique statue, drapeau déployé, yeux levés vers le ciel, main droite étendue pour bénir et protéger, mesure 1m60, ornera désormais la place de Saint-Séglin et dans son ombre bénie gardera la mémoire des 34 enfants de la paroisse morts pour la France. […]

Tout le monde se rendit processionnellement au Monument. Là les Pupilles se placèrent en face de la statue, les Anciens Combattants à droite et les femmes à gauche. Assistaient à la bénédiction : M. le député Ruellan ; M. de Jacquelin, conseiller général ; M. le Commandant Max de Dieuleveult ; M. Barre, maire de Maure ; M. Métayer, maire des Brûlais. […]

E.G.

Jean François Daniel   (Extrait de « Au fil du temps » N°83 de septembre 2022)

 

 

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